Revue de littérature : Spasfon / Phloroglucinol, mon amour
Pour retrouver toutes mes revues de littérature, vous pouvez cliquer ici !
Largement connu et utilisé à la fois par les médecins et par les patient·es, l’efficacité du Phloroglucinol (ou Spasfon pour les intimes) est pourtant très peu étudiée.
Si on fait le point sur ses indications :
- Traitement symptomatique des douleurs liées aux troubles fonctionnels du tube digestif et des voies biliaires
- Traitement des manifestations spasmodiques et douloureuses aiguës des voies urinaires : coliques néphrétiques
- Traitement symptomatique des manifestations spasmodiques douloureuses en gynécologie
- Traitement adjuvant des contractions au cours de la grossesse en association au repos
Rien que ça. En lisant les petites lignes, on remarque que le service médical rendu est faible voire carrément insuffisant… Déjà là, on commence à avoir la puce à l’oreille.
Du côté de la littérature scientifique : très peu de choses en fait (!).
- Une revue systématique et méta-analyse d’essais randomisés dans la douleur abdominale : 3 RCT inclus, 2 ne montrent pas d’efficacité versus placebo, 1 seul montre un effet supérieur au placebo mais avec des biais aussi gros qu’un mammouth
- Une revue systématique et méta-analyse d’essais randomises dans la douleur gynécologique ou obstétrique : seulement 2 essais d’origine chinoise inclus dont 1 indisponible, et aucune différence versus placebo
- Une revue systématique de la littérature et méta-analyse des essais randomisés versus placebo sur l’efficacité clinique des antispasmodiques musculotropes sur la douleur abdominale réalisée en 2015 et publiée dans la revue Exercer en 2017 montrait une efficacité du Phloroglucinol dans le syndrome de l’intestin irritable (mais de forts risques de biais)
- Une alerte de la Revue Prescrire en Février 2010 (tome 30, n°313, p114) rapportait des effets indésirables à type de réactions allergiques rares mais graves telles chocs anaphylactiques, œdèmes de Quincke et syndrome de Lyell, et concluait que ce « n’est pas un placebo : il ne fait peut-être pas de bien, mais il fait parfois du mal »
Ah si, finalement on a trouvé quelque chose concernant l’efficacité de la forme injectable… pour enlever les tâche des Bétadine sur les blouses blanches !
En examinant les données de remboursement de l’Assurance Maladie, on se rend compte que cette petite blague a quand même coûté la bagatelle de 13 515 710€ au contribuable en 2021.
Comme me l’a dit l’un de mes professeur·es : « quand un médicament est utilisé pour trop d’indications différentes, méfiance« . On notera par ailleurs que le Phloroglucinol en comprimé fait partie de ces médicaments qui ne disposent d’aucun générique… JDCJDR. (Edit 19/01/23 : on me signale dans l’oreillette que des génériques existent pour la forme lyoc ! Vive la France)
Alors en voiture Simone, quelles sont nos alternatives ?
- On arrête de faire passer des vessies pour des lanternes, on est honnêtes avec les patient·es sur le probable effet placebo et la balance B/R. Ce qui implique de prescrire les thérapeutiques adaptées en fonction du contexte clinique : chez les femmes jeunes avec des dysménorrhées, on préférera les AINS afin de les soulager efficacement. Idem dans la colique néphrétique, où les anti-spasmodiques sont moins efficaces que les AINS.
- Concernant les anti-spasmodiques dans le SII, toujours selon l’article d’Exercer : effet significatif sur le soulagement de la douleur pour l’alvérine, le pinavérium, et la trimébutine MAIS toujours des biais importants et des effets indésirables rares mais graves ont été recensés avec l’alvérine et la trimébutine, le pinaverium semble avoir l’efficacité la mieux validée (toujours sous réserve de biais élevés). En conclusion : « aucun des six antispasmodiques musculotropes disponibles en France ne peut être considéré comme ayant un haut niveau de preuve d’efficacité dans la douleur abdominale » (nous voilà bien avancés).
- Toujours pour le SII, une revue Cochrane de 2011 a montré une efficacité de l‘huile essentielle de menthe poivrée chez l’adulte (mais incertaine chez les enfant), confirmé par une autre méta-analyse en 2019 : la forme commerciale est le Colpermin (NR)
Sinon, il reste toujours le sacro-saint Paracétamol, un indémodable.
A bientôt pour de nouvelles aventures !
Pour aller plus loin : article « Antispasmodiques dans les douleurs abdominales » de la Revue Prescrire en Mars 2020, tome 40, n°37, p195-202.
Un commentaire
Ping :