Revue de littérature des traitements du rhume : les sprays magiques
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La revue sur le Spasfon ayant été un franc succès, je me suis dit qu’il serait intéressant de s’intéresser à d’autres médicaments dits « courants ». Aujourd’hui, on s’en va en guerre contre la sur-utilisation massive de sprays pour le nez et la croyance très populaire que ça va « faire guérir plus vite ».
Pour commencer, histoire de se mettre dans l’ambiance, l’Académie de Médecine en 2020 a émis un rapport : « Aucun traitement du rhume de l’adulte n’a réellement fait preuve d’une grande efficacité. »
Dans l’indication de la rhinite aiguë infectieuse, il existe une revue Cochrane de 2016 concernant les décongestionnants, avec 15 essais inclus soit 1838 participant-es : peu de preuves disponibles, un possible léger effet possible sur les symptômes subjectifs mais rien de solide.
On va voir les sprays décongestionnant les plus connus, à commencer par el famoso Pivalone.
PIVALONE (tixocortol pivalate) :
« Une escroquerie en bande organisée », dixit vous-savez-qui.
- Indications : rhinites allergiques, rhinites saisonnières, rhinites congestives aiguës et chroniques, rhinites vaso-motrices.
- EI : épistaxis, sécheresse de la muqueuse nasale
- Service médical rendu : modéré
Qu’en dit la science ?
- RCT datant de 1985 (nom de Zeus, Marty) qui comparait l’efficacité du Tixocortol et du beclomethasone dipropionate dans la rhinite allergique saisonnière pendant 14 jours : pas de différence entre les deux traitements qui semblent tous les deux améliorer le flux d’air des voies aériennes (bizarre ce critère de jugement) et 2/3 des patients ressentent une amélioration des symptômes
- RCT datant de 1986 qui comparait l’efficacité de l’association Tixocortol/Néomycine et Néomycine seule dans la « sinusite chronique allergique et bactérienne » : efficacité supérieure de l’association tixocortol/néomycine… au bout de 11 jours ! (soit la durée moyenne d’un rhume, non?)
- RCT datant de 1991 sur l’association Tixocortol/Néomycine versus placebo chez les enfants : supériorité de l’association tixocortol/néomycine… au bout de 7 jours ! (bis)
- Prescrire, Juillet 2020, Tome 40 N° 441 : n’apporte rien
Et c’est tout. Coût pour la collectivité en 2021 : 5 018 318€. Fin de la blague.
C’est un peu mince et un peu daté vu le coût exorbitant, non ? Par contre, on retrouve des wagons d’études où il semble mis en cause dans la sensibilisation et/ou l’allergie de contact aux corticostéroïdes…
On va passer aux décongestionnants qui contiennent un vasoconstricteur local, avec les risques connus (AVC et IDM pour ne citer que ceux-là).
DERINOX (prednisolone + naphazoline) :
- Indications : Traitement local de courte durée des états congestifs et inflammatoires au cours des rhinites aiguës de l’adulte et de l’enfant de plus de 15 ans
- Composition : prednisolone + naphazoline
- EI : les mêmes que ceux des corticoïdes avec un bonus sur le vasoconstricteur !
- Service médical rendu : insuffisant !
- Pas de générique disponible ! (oh oh oh!)
- Non remboursé !
Qu’en dit la science ?
- Une RCT de 2005 évaluant le Derinox et Rhinofluimucil versus placebo dans le rhume : non infériorité du Derinox versus le Rhinofluimucil avec un critère de jugement principal étrange (diminution de la résistance au passage de l’air au niveau nasal), et en critères secondaires on ne retrouve aucune différence entre les 3 groupes sur l’obstruction nasale, l’amélioration des symptômes et la gêne globale (on ne conclut pas, mais voilà, c’est là quand même)
- Prescrire, Mars 2020, Tome 40 N° 437 : à la poubelle !
- Un avis de la commission de la transparence de la HAS en 2011 : rares mais possibles infarctus du myocarde, troubles du rythme, accident ischémiques transitoires, accidents vasculaires cérébraux ischémiques et hémorragies cérébrale
Du coup, la balance bénéfice / risque ne semble pas très favorable pour un simple rhume…
ATURGYL (chlorhydrate d’oxymétazoline) :
- Indications : Traitement local de courte durée des états congestifs aigus au cours des rhinites et des sinusites de l’adulte et des adolescents de plus de 15 ans
- Composition : oxymétazoline chlorhydrate
- Service médical rendu : faible
- Pas de générique disponible !
Qu’en dit la science ?
- Essai datant de 1999 sur 17 volontaires sains asymptomatiques (pas d’aveugle, pas de contrôle, pas de randomisation) : diminution de la résistance au passage de l’air au niveau nasal avec l’aturgyl
- Prescrire, Mars 2020, Tome 40 N° 437 : à la poubelle !
Coût pour la collectivité en 2021 : 305 566€
RHINOFLUIMUCIL (acétylcystéine + benzalkonium + tuaminoheptane) :
- Indications : Traitement local symptomatique de courte durée des affections rhinopharyngées avec sécrétion excessive de la muqueuse de l’adulte et des adolescents de plus de 15 ans
- Composition : acétylcystéine + chlorure de benzalkonium + sulfate de tuaminoheptane
- Service médical rendu : insuffisant
- Pas de générique disponible !
- Non remboursé
Qu’en dit la science?
- RCT de 1996 (décidément, je dépoussière des vieilleries) sur l’efficacité du Rhinofluimucil versus xylometazoline et placebo : diminution de la résistance au passage de l’air au niveau nasal (mais on ne nous dit rien sur les symptômes, encore une fois !)
- On retrouve la RCT de 2005 dont on a déjà parlé avec le Dérinox
- Prescrire, Mars 2020, Tome 40 N° 437 : à la poubelle !
En bref :
De manière globale donc, les sprays décongestionnant n’ont pas fait la preuve de leur efficacité dans la rhinite aigüe (avec parfois avec des EI graves à la clef). Il n’y a donc aucune raison de les prescrire.
Concernant les corticoïdes par pulvérisation nasale, ils sont indiqués dans la rhinite allergique, ce sera le sujet d’un autre billet.
Pour info, une revue Cochrane de 2015 a évalué l’efficacité des anti-histaminiques dans la rhinite aigüe : « efficaces » jusqu’au 2e jour mais pas sur l’obstruction nasale, la rhinorrhée ni les éternuements (bah?), puis après non.
Alors Jamy, comment soulager nos patients qui ont la goutte au nez ?
LES LAVAGES DE NEZ (Cochrane 2015 avec faible niveau de preuve) ! Ici, plutôt team Rhinohorn©, mais il existe beaucoup d’autres dispositifs équivalents comme de simples poires. Ou alors, au bon vieux sérum physiologique.
On rappelle qu’un rhume non guéri dure 7 jours, et qu’un rhume avec un traitement dure… une semaine.
Si besoin, il existe l’ordonnance de non prescription réalisée par la sécurité sociale.
Voilà, c’est tout pour cette fois-ci. En espérant avoir été utile !
3 commentaires
Mathieu
Effectivement, rien de mieux que le nettoyage régulier. J’ai découvert tout récement l’idée de se nettoyer avec le sérum physiologique. C’est au moins aussi efficace tous les stérimar et autre.
Bien se couvrir aussi aide a traiter plus vite le rhume
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