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Les traitements de la ménopause : « Il fait un peu chaud ici non ? »

Le mois dernier, nous nous sommes intéressé au dépistage systématique du cancer du sein. Toujours dans le domaine de la gynécologie, voici l’état des lieux des traitements de la ménopause.

On rappellera à toute fin utile que le diagnostic de ménopause est clinique (donc le fameux bilan biologique est inutile, eh oui déso pas déso), et que le test au progestatif n’a pas été évalué = pas de VPP (un test positif exclut le diagnostic de ménopause, cependant un test négatif n’est pas obligatoirement synonyme de ménopause).

Voici la fiche à imprimer, à partager, à faire tourner :

Suggestion d'un algorithme de traitement de la ménopause selon les dernières études
Cliquez sur l’image pour télécharger la fiche en PDF !

Ce qui existe sur le marché en traitement local :

Liste non exhaustive de lubrifiants, hydratants vaginaux et hormonothérapies locales pour la ménopause
(honteusement volé sur le blog de Dr Agibus)

Concernant les schémas d’administration du THS, selon le CNGOF 2021 : « le choix entre schéma séquentiel ou combiné doit tenir compte du souhait de la patiente d’avoir ou non des hémorragies de privation. Le schéma d’administration le plus classiquement utilisé est le schéma combiné continu en raison de sa supériorité concernant la protection endométriale et de la volonté de la plupart des patient·es d’une absence d’hémorragie de privation. »

Schéma combiné sans hémorragie de privation et schéma séquentiel avec hémorragie de privation dans le cadre du traitement hormonal de la ménopause

L’estradiol gel (ESTREVA®, OESTRODOSE®, DELIDOSE®) peut dépanner (en cas de ruptures des patchs par exemple), mais attention au risque de transfert cutané par contact étroit (prévenir les patient·es !), et galénique rapidement limitante si augmentation des doses (en plus d’être fastidieux à appliquer pour les patient·es). Sinon, le principe est le même : rechercher la dose minimale efficace, et associer un progestatif.

A noter : il existe des patchs combinés œstradiol / lévonorgestrel (FEMSEPT combi® 50/10, FEMSEPT evo® 50/7), qui ne sont pas évalués dans la littérature.

Les recos utilisées :

Voilà pour la partie récap’. Maintenant, qu’en dit la science ?

Les traitements locaux :

  • Cochrane 2016(1): 30 essais contrôlés randomisés inclus (6235 participant·es) qui montrait qu’un traitement local améliorait les symptômes locaux vs placebo (thanks cap’tain obvious) mais pas de différence significative entre un traitement local par œstrogènes et un traitement local par gel, et on note une croissance de l’endomètre sous traitement local par œstrogènes
  • RCT JAMA 2018(2) sur 302 participant·es : pas de différence significative entre l’œstradiol ou la crème hydratante par rapport au placebo
  • Article JAMA 2019(3) : lubrifiants en traitement de 1ère intention, en 2e intention œstrogènes locaux (crème ou ovule), en 3e intention DHEA (prasterone)

A propos de l’acide hyaluronique, souvent présenté comme un remède miracle :

  • RCT 2011(4) acide hyaluronique vs œstrogène sur 42 participant·es : les deux traitements ont soulagé les symptômes vaginaux (mais de manière significativement supérieure pour l’oestrogène), amélioré l’atrophie épithéliale, diminué le pH vaginal et augmenté la maturation de l’épithélium vaginal
  • RCT 2013(5) acide hyaluronique vs œstrogène sur 144 participant·es : non infériorité de l’acide hyaluronique par rapport à l’œstrogène
  • RCT 2016(6) acide hyaluronique vs œstrogène conjugué (Premarin) sur 56 participant·es : la dyspareunie, la sécheresse, les démangeaisons, l’indice de maturation, le PH et le score composite des symptômes vaginaux ont été significativement soulagés dans les deux groupes. L’incontinence urinaire n’a montré d’amélioration significative que dans le groupe acide hyaluronique . L’amélioration de l’incontinence urinaire, de la sécheresse, de l’indice de maturation et du score composite des symptômes vaginaux dans le groupe acide hyaluronique était meilleure que celles du groupe Premarin.
  • Revue Systématique 2021(7) : 5 études incluses (335 participant·es) montraient que le traitement à l’acide hyaluronique, par rapport à l’utilisation d’œstrogènes, ne présente pas de différence significative dans les résultats obtenus pour les critères de jugement atrophie épithéliale, pH vaginal, dyspareunie et maturation cellulaire

➡️ En conclusion :

  • s’en tenir au plus simple : un gel lubrifiant à base d’eau
  • l’acide hyaluronique pourquoi pas, mais pas en première intention (sauf si présence de troubles génito-urinaires où là l’effet est prouvé)

L’hormonothérapie :

L’efficacité :

  • Cochrane 2004 (8): 24 essais contrôlés randomisés inclus (3 329 participant·es) qui montrait une réduction significative de 75% la fréquence hebdomadaire des bouffées de chaleur et de de la sévérité des symptômes pour l’HT par rapport au placebo. On note tout de même que chez les participant·es qui ont été randomisé·es pour recevoir le traitement par placebo, une réduction de 57,7 % des bouffées de chaleur a été observée entre le début et la fin de l’étude… (pertinence clinique, du coup ? 🙃)
  • Cochrane 2016(9) : 23 essais contrôlés randomisés inclus (5779 participant·es)
    • Les patchs d’HT montrent une efficacité sur la diminution de la fréquence et l’intensité des phénomènes vasomoteurs
    • L’HT orale montre une efficacité sur la diminution de la fréquence des phénomènes vasomoteurs
    • Dans les 2 cas des EI à types de céphalées, saignements génitaux, tension mammaire et réactions cutanées ont été signalés
    • Pas de preuve d’une différence d’efficacité entre les hormones bioidentiques et les hormones équines conjuguées

On note qu’une Cochrane de 2020(10) suggère qu’un DIU à la lévonorgestrel serait plus efficace que la progestérone PO pour la régression de l’hyperplasie endométriale (OR 2.94, IC 95% 2.10 à 4.13) (je pense à @DrNamaskar et à son cas clinique en écrivant ça).

Les risques  :

  • Cochrane 2015(15) (update de la revue de 2013): 19 essais contrôlés randomisés inclus (40 410 paticipant·es)
    • Pas d’effet protecteur de l’hormonothérapie en prévention primaire et secondaire contre la mortalité toutes causes confondues, la mortalité cardiovasculaire, l’infarctus du myocarde non mortel, l’angine de poitrine ou la revascularisation
    • Risque accru d’AVC de 24% (RR 1,24, IC à 95 % 1,10 à 1,41), risque absolu de 6 pour 1000 avec un NNTH = 165 !
    • Risque accru d’événements thromboemboliques veineux de 92% (RR 1,92, IC à 95 % 1,36 à 2,69) avec un risque absolu de 8 pour 1000 (NNTH = 118), et d’embolies pulmonaires de 81% (RR 1,81, IC à 95 % 1,32 à 2,48) avec un risque absolu de 4 pour 1000 (NNTH = 242)
    • Ces évènements arrivent en moyenne avant la 6e année
    • Réduction de la mortalité si traitement débuté < 10 ans après la ménopause (RR 0,70, IC à 95 % 0,52 à 0,95) et réduction d’incidence de coronaropathie (RR 0,52, IC à 95 % 0,29 à 0,96) MAIS risque accru d’évènements thromboemboliques veineux de 74% (RR 1.74, IC 95% 1.11 à 2.73)
  • Cochrane 2017 (update de la revue de 2005) : 22 essais contrôlés randomisés inclus (43 637 participant·es)
    • l’HT continue combinée augmentait le risque d’événement coronarien, de maladie thromboembolique veineuse, d’accident vasculaire cérébral, cancer du sein, de maladie de la vésicule biliaire et de décès par cancer du poumon
    • Les œstrogènes seuls augmentaient le risque de maladie thromboembolique veineuse, d’accident vasculaire cérébral et de maladie de la vésicule biliaire  mais réduisaient le risque de cancer du sein et de fracture, pas d’augmentation du risque d’événements coronariens
    • Les femmes de plus de 65 ans qui étaient relativement en bonne santé et qui prenaient une HT combinée continue ont montré une augmentation de l’incidence de la démence (on en parlait déjà dans la Cochrane de 2009(16), résultats fragiles à prendre avec des pincettes, mais résultats tout de même)
    • L’HT montrait une efficacité significative sur l’incidence des fractures à long terme
  • Méta-analyse JAMA 2017(17) sur 27 347 participant·es : pas de différence de mortalité totale, mortalité cardiovasculaire, mortalité par cancer mais sur un suivi de 5 à 7 ans en moyenne selon les études… (c’est un peu court non ? – ceci n’est pas un titre)
  • Article du JAMA 2019 (18) : risque d’AVC de 0,5 cas pour 1000 personnes par an et risque de cancer du sein ne survenant qu’après 5 ans et de l’ordre de moins d’ 1 cas pour 1000 patientes par an
  • Étude cas-témoin du BMJ 2019(19) sur 80 396 participant·es :
    • Risque significativement accru de MTEV de 58% (OR = 1,58, IC à 95 % de 1,52 à 1,64)
    • L’œstradiol présentait un risque inférieur à celui des œstrogènes équins conjugués
    • Les œstrogènes équins conjugués avec acétate de médroxyprogestérone présentaient le risque le plus élevé (OR = 2,10, IC 95% 1,92 à 2,31)
  • Revue JAMA 2020(20) : avec les estrogènes équins conjugués augmentation du risque de cancer du sein par rapport au placebo HR = 1,28 (IC 95 % 1,13-1,45 ; P < .001) et aucune différence significative dans la mortalité par cancer du sein HR = 1,35  (IC à 95 %, 0,94-1,95 ; P = 0,11)
  • Revue JAMA 2023 (21): risque de cancer du sein, d’AVC et d’évènements thrombo-emboliques veineux de 1 pour 1000 chaque année
  • Etude de cohorte française de 2023(22) sur 75 606 participant·es montrait que l’utilisation des œstrogènes combinés avec de la progestérone ou de la dydrogestérone augmentait le risque de cancer des ovaires HR = 1,28 (IC à 95 % = 1,04 à 1,57)

➡️ En conclusion : vu les risques encourus, on initie à la dose la plus faible possible, on réévalue en augmentant si besoin jusqu’à disparition des symptômes gênants, et on privilégie la durée de traitement la plus courte possible !

Les bénéfices :

  • Bon la bonne nouvelle, c’est qu’à priori ça ne fait pas prendre de poids (Cochrane 1999(23)) ! Donc ça donne des AVC et des EP, mais pas de grosses fesses, ouf ! Nous voilà rassuré·es.
  • Concernant la dysfonction sexuelle, une Cochrane de 2013(24) sur 16 393 participant·es montrait un léger effet de l’HT (œstrogènes seuls ou combinés avec la progestérone) comparé au placebo sur le sous-groupe des péri-ménopauses ou ménopauses symptomatiques, effet qui disparaît ensuite lorsque que l’on prend les ménopauses sans distinction.
  • Une revue systématique et méta-analyse du Lancet 2022(25) montrait, entre 50 et 60 ans et concernant les œstrogènes seuls :
    • réduction de la mortalité globale de 15 personnes pour 10 000 / an
    • réduction du risque de diabète de 26 personnes pour 10 000 / an
    • réduction du risque de fracture de 16 personnes pour 10 000 / an
    • réduction de la mortalité par cancer de 4 personnes pour 10 000 / an
    • MAIS une augmentation des évènements thromboemboliques veineux de 8 personnes pour 10 000 / an
    • A noter : ces résultats persistent en cas de traitement combiné, mais les risques d’accident thromboemboliques veineux ou artériel augmentent à 21 personnes pour 10000 / an et de cancer du sein de 6 personnes pour 10 000 / an
    • ⚠️ En checkant les refs : elles ne correspondent à rien pour la mortalité globale (smells like entourloupage to me)

Petit apparté sur les œstrogènes équins conjugués = à base d’urine de jument enceinte (miam !), ils sont couramment utilisés aux USA mais ne sont plus utilisés en France (cocorico), on utilise le 17-beta-estradiol par voie transdermique ou percutanée (patch ou gel). Or, il n’y a pas d’études spécifiquement sur les risques du 17 β-estradiol versus les œstrogènes équins conjugués.

Concernant le type de progestatifs (CNGOF 2021(26) à propos de l’étude de cohorte E3N(27) et ESTHER(28)) : « le risque de MVTE semble être modulé en fonction du type de progestatif combiné du THM. Le risque de MVTE associé à l’utilisation d’un THM composé d’estradiol par voie cutanée semble neutre chez les utilisatrices de progestérone micronisée et dérivés pregnanes (dydrogestérone) et augmenté chez les utilisatrices de dérivés norpregnanes. »

On voit passer des « hormones bio identiques » : il s’agit d’hormones synthétiques ; « chaque préparation est fabriquée selon une recette particulière qui n’a pas été testée afin de prouver que les ingrédients actifs sont absorbés adéquatement ou fournissent des quantités prévisibles d’hormones dans le sang et les tissus »(29).

Les autres traitements :

  • Cochrane 2005 (30) sur la testostérone : 35 essais contrôlés randomisés (4768 participant·es) inclus -> l’adjonction de testostérone au traitement par HT a amélioré les scores de fonction sexuelle et le nombre d’épisodes sexuels satisfaisants pour les femmes ménopausées ; EI = diminution des taux de HDL, croissance des cheveux, acné
  • Cochrane 2015(31) sur la dehydropiandrosterone (DHEA) : 28 essais contrôlés randomisés inclus (1273 participant·es) montrait qu’il n’y avait pas d’amélioration significative de la qualité de vie versus placebo, on notait une amélioration de la fonction sexuelle (sur 1 essai à haut risque de biais), l’EI principal = acné
  • Cochrane 2016(32) sur les effets à court et long terme du tibolone (stéroide de synthèse) : 46 essais contrôlés randomisés inclus (19 976 participant·es)
    • VS placebo : efficacité significative du tibolone sur les symptômes vasomoteurs et les spottings, pas d’EI à long terme (cancer du sein, évènement cérébrovasculaires, cancer de l’endomètre, évènements cardiovasculaires, phlébites, mortalité toute cause)
    • VS hormonothérapie combinée : l’HT est plus efficace que le tibolone sur les symptômes vasomoteurs et les spottings, pas de différence significative sur les EI à long terme
  • RCT SKYLIGHT (phase 3) Lancet 2013(33) sur le Fezolinetant (antagoniste sélectif du récepteur de la neurokinine-3) sur 450 participant·es : différence significative sur l’intensité et la fréquence des symptômes vasomoteurs sans EI supplémentaires

Les trucs bobo-bio-écolo-turbo-gauchiste :

  • Cochrane 2013(34) sur les phyto-œstrogènes : 43 essais contrôlés randomisés (4364 participant·es) inclus, au final seuls 5 exploitables Promensil (extrait de trèfle violet) VS placebo qui ne montraient pas de différence significative de l’incidence des bouffées de chaleur, 2 essais ne montraient pas de réduction du pourcentage de bouffées de chaleur, on note un très fort effet placebo => ne réduit ni la fréquence ni la sévérité des bouffées de chaleur, bref ça marche pas
  • Cochrane 2013(35) sur l’acupuncture : 16 essais contrôlés randomises (1155 participant·es) inclus -> ça marche pas
  • Cochrane 2014(36) sur la relaxation : 4 essais contrôlés randomisés inclus (281 participant·es) -> ça marche pas non plus
  • Cochrane 2014(37) sur le sport : 5 essais contrôlés randomisés inclus (733 participant·es) -> eh bien non, toujours pas
  • Revue systématique et méta-analyse JAMA 2016 (38) sur les phyto-œstrogènes, sur 6 653 participant·es : diminution du nombre de bouffées de chaleur quotidiennes et amélioration de la sécheresse vaginale, pas de différence significative sur les sueurs nocturnes, à noter tout de même une grande hétérogénéité dans les études
  • Cochrane 2016(39) sur les herbes chinoises  : 22 essais contrôlés randomisés inclus (2902 participant·es) -> encore raté
  • Pourtant, un article de BMJ 2017(40) propose en première intention TCC, hypnose et acupuncture et si échec des alternatives médicamenteuses
  • Revue systématique 2021(41) sur 3 092 participant·es : l’aromathérapie, le massage, le yoga et l’acupuncture, ainsi que certains suppléments alimentaires et à base de plantes ont amélioré les symptômes psychologiques (anxiété, stress, dépression); pas de réelle preuve d’efficacité des compléments alimentaires et de l’exercice

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3 commentaires

  • Clément Durgueil

    Bonjour, super intéressant. J’ai appris à prescrire le THS en per cutané pour les E2 malgré le risque de transfert avec des patientes qui en fonction de les symptômes dhypo ou dhyperE2 gèrent en dosent pompes et je l’utilise aussi pour diminuer les risques de MTEV. Un ATCD de phlébite ou EP si on utilise la voie transcutané n’est plus une CI ?
    Même si ça peut paraitre relou pour les patientes, en transcutané vous avez trouvé des articles sur les MTEV ? Événements cardiovasculaires types AVC ou bien les études sont uniquement sur les E2 per os ?

    Pour la durée du as trouvé des études ? Pareil a la fac on nous propose de continuer au delà si symptômes toujours invalidants.

    Merci pour ce résumé

    • Doctotoscope

      Bonjour,
      Effectivement, le traitement est à proposer en décision partagée, le choix final revenant toujours aux patient·es.
      Dans les CI de la voie transcutanée on retrouve bien : « Antécédent d’accident thrombo-embolique veineux idiopathique ou accident thrombo-embolique veineux en évolution (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire) ; » (base de donnée publique des médicaments)
      Concernant les MTEV, les études portent globalement sur la voie orale. Il semble que la voie transcutanée soit à moindre risque (c’est pour ça qu’elle est préférée chez nous, contrairement aux USA). Il y a quelques études qui portent sur la voie transcutanée, elles sont listées dans la revue de littérature.
      Concernant la durée, les recommandations « officielles » sont de 10 ans. Au delà, le risque devient clairement supérieur au bénéfice, même si symptômes invalidants (il vaut mieux avoir des bouffées de chaleur même si c’est très gênant que de faire un AVC…).
      Bonne journée !

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